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Le développement de l'âme

Alfred Percy Sinnett
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CHAPITRE XV :
LE SENTIER DE PROBATION (1/3)

Au premier aperçu de notre sujet, les étudiants de la littérature occulte moderne, s'ils en ont bien compris et accepté les belles conceptions, seront peut être portés à croire qu'ils ont à se faire présenter dans quelque fraternité occulte pour se voir initier à des mystères insoupçonnés et y subir séance tenante de solennelles épreuves. La porte est ouverte à tous ceux qui frappent – nous dit l'aphorisme bien connu. « Le royaume des Cieux doit être pris d'assaut », suivant une autre phrase symbolique qui a le don d'irriter, parfois, ceux qui manquent d'une direction intelligente. A quelle porte doit-on frapper ? Quelle brèche faut-il emporter d'assaut ? La réponse se dégagerait d'elle-même de tout ce que nous avons écrit précédemment ; mais le moment est venu de nous expliquer avec franchise et précision. Il me faut ajouter cependant que les étudiants ne me comprendront que s'ils ont saisi, dans son ensemble, l'exposé préliminaire de l'évolution humaine tel que nous le présente la donnée théosophique.

      Il est impossible à l'aspirant qui veut gravir le sentier des hautes initiations de monter plus de quelques échelons au cours de l'existence où il commença à entreprendre cette grande œuvre. C'est la principale raison pour laquelle il ne peut espérer être mis en rapport, au début de ses efforts, avec les Maîtres qu'il désirerait obtenir pour guides. La première tâche qui lui incombe est le développement de son caractère, de façon à se rapprocher de la perfection qui représente le but de ses efforts. Les impatients trouveront peut-être cette perspective décourageante, mais il n'existe pas de voie plus rapide où l'on soit dispensé d'acquérir ces caractéristiques intérieures qui seules permettent de participer à la sagesse et aux pouvoirs des Adeptes de la grande Loi.

      On se tromperait étrangement en considérant le développement des facultés psychiques comme la chose la plus importante. Les gardiens de la science que recherche l'aspirant se sont consacrés à la tâche sublime d'activer, de favoriser l'évolution spirituelle de l'humanité, et non de lui enseigner simplement la manipulation des forces subtiles de la Nature, sans considérer à quelles fins ces forces seraient appliquées dans la suite. Ils ne désirent pas seulement des disciples capables d'exercer leur puissance sur les plans supérieurs de la Nature, mais des collaborateurs à cette grande œuvre de dévouement qui consiste a élever le niveau de l'humanité en lui inspirant des pensées et des sentiments plus nobles que ceux qui animent aujourd'hui la plupart des hommes. Un ardent désir de percer les mystères fascinants du monde hyperphysique, soutenu même par la force et le courage, ne saurait constituer une préparation suffisante à la véritable initiation occulte. L'élève accepté doit faire preuve de certaines qualités qui puissent le rendre apte, avec le temps, à seconder ceux qui ont pour mission, dans le système gouvernemental du monde, de diriger et de protéger l'évolution de l'humanité. Il doit, en outre, se rendre digne d'être présenté par son Maître à la hiérarchie occulte, et admis au nombre de ceux qui sont définitivement entrés dans le sentier. L'impatience qui pousserait le néophyte à s'élever contre ce programme trop exclusif – du moins pourrait-il le croire – n'aidera en rien à son avancement. Les pouvoirs et les facultés observés chez quelques personnes et dont le charme a peut-être captivé son imagination, peuvent avoir été acquis par des méthodes irrégulières, très impropres à favoriser l'évolution ultérieure. Mais les Hiérophantes de la grande Fraternité Blanche n'accorderont ces pouvoirs qu'à l'aspirant qui se distinguera par certaines qualités morales propres à leur inspirer confiance, parce que ces Maîtres de Sagesse sont aussi des Maîtres en Suprême Compassion et qu'ils veulent être assurés que le disciple n'emploiera pas au mal le pouvoir et les nouveaux sens de perception qu'il convoite.

      Dans quel but propagerait-on publiquement des informations qui permettraient au premier venu, et sous un prétexte quelconque, d'entrer en relations personnelles avec les Maîtres les plus élevés ? Le fait qu'il existe un sentier, que l'étudiant spiritualiste peut aborder, est suffisamment démontré à toute personne ayant assez d'intelligence pour étudier le sujet dans la littérature théosophique actuelle. L'enseignement que les Maîtres Adeptes ont largement répandu y est clairement exposé, et pour la première fois, dans un langage précis et intelligible. Cet enseignement indique aux nouveaux aspirants les conditions indispensables au développement occulte. S'ils accomplissent le travail préliminaire de préparation que leur nature doit subir, le Karma leur offrira infailliblement, au plus tard dans la vie suivante, l'occasion de poursuivre leurs progrès sous la direction personnelle d'un Maître, auquel, par le fait même de leur préparation, ils auront fait un inconscient appel. La présence de ce Maître ne leur sera peut-être pas sensible, mais la réaction occulte de leurs efforts aura sûrement attiré son attention.

      Voyons maintenant plus en détail le genre de préparation qui doit amener ce résultat. Il n'y a là ni secret ni mystère. Le perfectionnement moral exigé pour l'initiation actuelle, qu'il s'agisse de néophytes orientaux ou occidentaux, se décompose en un certain nombre de qualités, et l'acquisition de ces qualités forme les différents stades de ce que nous appellerons le sentier de probation. Quelques écrivains les ont assez exactement décrits comme constituant les premiers stades de l'initiation qui conduit à l'Adeptat. Mais, quoique l'acquisition de ces qualités puisse imprimer à l'aura de l'aspirant certaines caractéristiques qu'un Adepte pourrait reconnaître, il serait impropre de les considérer comme autant d'examens passés dans un ordre régulier. Ces qualités peuvent au début s'acquérir à un degré plus ou moins parfait. On ne peut guère, en effet, exiger de l'aspirant qu'il les possède toutes parfaitement, alors qu'il est encore en dehors des stades réguliers de l'initiation ; car l'être idéal qui les réunirait ainsi toutes deviendrait par cela même digne de l'initiation supérieure. La seule chose exigée du commençant est de montrer des dispositions sincères et sérieuses à acquérir ces qualités, et, au cas où quelques-unes d'entre elles prédomineraient déjà dans son caractère, il lui suffira de posséder les autres à un degré imparfait pour parvenir à son but. Cette assurance consolante préservera le débutant du découragement qu'il pourrait ressentir en se croyant obligé par les autorités occultes à réaliser, complètement et dès ses premiers pas, des conditions qui ne semblent compatibles qu'avec une élévation morale presque surhumaine. Et maintenant, passons aux qualités qui doivent faire l'objet de ses efforts.

      Ces qualités peuvent parfaitement se définir dans notre langue et ne nous obligent pas à recourir aux termes sanscrits ou palis usités dans l'Orient. L'idée, quel que soit le langage employé, est d'ailleurs la partie essentielle à retenir. Le premier but des efforts du néophyte pourrait être appelé la « Soumission au Soi supérieur ».

      Il doit chercher à approfondir, en ce qui le concerne, la signification de cet enseignement occulte qui nous représente ce Soi supérieur comme l'élément impérissable de notre conscience, qui croît et se développe en se manifestant sur le plan physique par des incarnations successives. Chaque incarnation nouvelle fait naître des émotions, des désirs, des caractéristiques variés, qui se groupent temporairement autour du Soi supérieur, et constituent la personnalité, le masque physique de l'âme immortelle, c'est-à-dire l'homme terrestre, tel que le connaissent les autres hommes. Mais ceci ne constitue pas le véritable être permanent, l'être « réel »,comme l'appellent certains écrivains, par contraste avec la personnalité « irréelle ». Cette distinction est juste lorsqu'on la saisit bien ; mais le terme « irréel » appliqué à la personnalité terrestre – à cette manifestation si dense, si clairement délimitée pendant sa durée – ce terme semble quelque peu absurde et froisse peut-être ceux qui cherchent à s'exprimer correctement. Quoi qu'il en soit, nous pouvons en inférer que la personnalité, considérée comme l'ensemble de ses caractérisques, est impermanente, bien qu'elle soit en tous temps pénétrée et inspirée parle Soi supérieur permanent. Si cette conception semble embarrassante, on la comprendra peut-être un peu mieux en réfléchissant d'abord à cette vérité évidente, que le corps physique, par lequel s'exprime la personnalité, est lui-même impermanent par rapport à cette personnalité. Avec une certaine imagination, toute personne un peu apte à étudier sérieusement l'occultisme sentira qu'elle pourrait encore être elle-même dans une autre incarnation, avec un nouveau corps et un entourage différent. Nous possédons sur ce point le témoignage de ceux qui sont déjà assez avancés dans le sentier et peuvent se souvenir de leurs vies passées ; ils nous assurent qu'en jetant un coup d'œil rétrospectif sur leurs incarnations, ils sentent qu'elles étaient réellement leur propre expression, en dépit des grandes différences de condition physique et d'entourage qu'elles présentaient. Parvenu à ce stade d'évolution mentale où chaque manifestation physique est considérée comme une phase temporaire de l'être, l'aspirant est bien prêt de se rendre compte que quelques-uns des états de conscience attachés à sa personnalité sont tout aussi transitoires que la forme extérieure de son corps.

      Lorsque cette conception est bien saisie, l'étudiant a fait un grand pas vers l'acquisition de la première qualité (47) du sentier de probation. Pour la développer, il devra s'appliquer à la réaliser dans la vie pratique ; il lui suffira souvent d'apprécier combien sont insignifiants, en réalité, les intérêts propres et les occupations de cette personnalité impermanente, comparés à ceux qui favorisent l'évolution du Soi supérieur – l'être réel dont les progrès, une fois accomplis, ne se perdent plus. L'acceptation complète de cette grande vérité ferait certes de l'homme incarné un philosophe si sublime qu'il semble exagéré de l'exiger du simple aspirant commençant à gravir le sentier du développement spirituel. Le temps viendra où le disciple, au cours de son évolution, devra posséder dans une absolue perfection les conditions précitées. Mais, au début, on ne saurait les lui imposer comme préparation préliminaire à son admission. Ce qu'on attend de lui, c'est une conception sérieuse de l'état idéal auquel il vise, jointe à quelques efforts sincères, et déjà couronnés d'un succès relatif. Il n'est guère admissible qu'un homme, vivant dans le monde, inconscient encore à l'état de veille du monde spirituel qui plane au-dessus du nôtre, puisse être totalement indifférent aux ambitions et aux désirs de ce monde. Nous verrons, par contre, qu'un attachement exclusif aux objets de convoitise et d'ambition humaines serait incompatible en soi avec les premières aspirations mêmes de l'homme vers le développement occulte. Celui dont les activités terrestres sont inspirées par la soif du luxe, des richesses et du bien-être, ou encore par le désir d'être applaudi et de l'emporter sur ses rivaux, celui-là n'a même pas posé le pied sur le premier échelon du sentier, lors même qu'il se sentirait porté, dans ses moments de loisir, à réfléchir sur la donnée ésotérique et à en comprendre intellectuellement les vérités. L'homme désirant sérieusement s'élever sur l'échelle de la création doit sentir, dès les premiers pas, que les liens qui l'enchaînaient jadis aux choses de ce monde se relâchent considérablement. Ces choses ne peuvent lui devenir complètement indifférentes, mais elles commencent à lui sembler bien instables, et, graduellement, sa conscience intime lui révèle que les seules choses dignes de ses efforts se trouvent dans certains plans de la Nature où les conditions d'existence sont aussi étrangères à nos exigences physiques qu'à nos plaisirs. Ce changement s'opèrera plus ou moins complètement, suivant les aptitudes des aspirants, mais il est nécessaire que le néophyte l'éprouve, s'il ne veut retomber dans la lente évolution normale et subir, pendant des âges, l'interminable série des existences successives. Si chacune de ces existences peut être quelque peu meilleure que la précédente, il n'en est pas moins vrai que plusieurs d'entre elles peuvent présenter une amère régression sous le rapport des conditions du bonheur terrestre, et bien d'autres encore justifier la philosophie pessimiste qui se verrait tristement confirmée par l'expérience humaine, si l'état de conscience du plan physique, avec ses épreuves incessantes, était le seul qui soit accessible à notre famille humaine. Si de plus nobles mobiles nous attirent vers le développement occulte, cette dernière pensée doit nous servir de stimulant. Le sentier est rude, peut-être, mais la seule autre alternative – cette interminable évolution normale – attriste encore davantage l'imagination par les souffrances qu'elle entraîne presque toujours dans la suite.


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(47)  En phraséologie hindoue, cette première qualité est appelée Vivéka.




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